La mer du Japon scintille paisiblement près de la plus grande centrale nucléaire du monde: mais alors que l'archipel, soucieux de restreindre le charbon, redémarre l'un des réacteurs de Kashiwazaki-Kariwa (KK), il a pris soin d'installer un nouveau mur anti-tsunami.
Le Japon avait abandonné l'atome civil dans le sillage de la catastrophe de Fukushima, centrale frappée en 2011 par un tsunami suivant un séisme, lesquels ont provoqué le pire désastre nucléaire depuis Tchernobyl et tué environ 18.000 personnes.
Mais avec le mix énergétique le plus polluant des puissances du G7, Tokyo cherche désormais à réduire ses émissions en accélérant son retour au nucléaire, qui couvre moins de 10% de sa production électrique actuelle.
A la centrale "KK", qui s'étend sur 400 hectares sur la côte nord du Japon, le mur anti-tsunami de 15 mètres de haut n'est qu'une mesure parmi d'autres pour éviter une catastrophe et rassurer le public.
À Fukushima, le tsunami avait coupé les lignes électriques et inondé les générateurs de secours, paralysant les pompes à eau nécessaires au refroidissement du combustible nucléaire.
A Kashiwazaki-Kariwa, où la centrale a fermé pendant deux ans après un violent séisme en 2007, de nouveaux dispositifs visent à maintenir le courant et à limiter l'impact d'un désastre: camions générateurs sur des terrains élevés, panneaux d'évacuation, ventilation filtrante, et --outre le mur anti-tsunami-- le renforcement d'un remblai.
Onéreuses importations
Avant 2011, les centrales nucléaires assuraient un tiers de l'électricité du Japon, le reste étant couvert essentiellement par les combustibles fossiles.
Les 54 réacteurs de l'archipel (dont ceux de KK) ont tous été fermés après Fukushima, et pour sa production d'électricité, le Japon a dû augmenter ses achats de gaz, charbon et pétrole, tout en développant le solaire.
Au prix d'une facture onéreuse: l'an dernier, les importations de fossiles ont coûté au Japon 510 millions de dollars par jour.
Le pays reste peu engagé dans sa transition climatique: le think-tank E3G le classe à la dernière place, de loin, parmi les pays du G7 en termes de décarbonisation des systèmes électriques.
L'archipel souhaite relever de 20% à 36-38% d'ici 2030 la part des renouvelables (y compris l'hydroélectricité) dans son mix électrique, et réduire la part des fossiles de deux-tiers à 41%.
Pour Hanna Hakko, experte d'E3G, le Japon pourrait viser 70-80% d'électricité issue des renouvelables d'ici à 2035: "Cela lui permettrait d'éliminer progressivement le charbon, comme il s'y est engagé avec ses pairs du G7", indique-t-elle.
L'atome incontournable
Mais sans le charbon et même avec un robuste essor des renouvelables, le reste de la production électrique restera couvert par le gaz... et le nucléaire. Tokyo prévoit que l'atome générera 20-22% de l'électricité d'ici 2030.
Fin 2022, le Japon a décidé d'accélérer le redémarrage des réacteurs et d'allonger leur durée d'exploitation de 40 à 60 ans. Neuf des 33 réacteurs japonais encore opérationnels sont actuellement en service.
Et à Kashiwazaki-Kariwa, l'unité 7 est prête à les rejoindre dès le feu vert du gouverneur local. Les autres suivront, au fil d'un processus d'autorisation ralenti par le durcissement des règles de sécurité depuis Fukushima.
L'enjeu est crucial alors que les entreprises s'inquiètent de pénuries d'électricité et que le Japon entend accueillir des centres de données --très énergivores.
Entre-temps, la sécurisation commence tout juste à Fukushima, où le sort des 800 tonnes de combustible hautement radioactif et de décombres reste incertain.