Les milices se multiplient au Soudan, nouveau danger pour le pays en guerre

11:154/12/2024, mercredi
AFP
Les nouveaux membres des forces armées soudanaises montrent leurs compétences lors d'une cérémonie de remise des diplômes dans la ville orientale de Gedaref, le 5 novembre 2024.
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Les nouveaux membres des forces armées soudanaises montrent leurs compétences lors d'une cérémonie de remise des diplômes dans la ville orientale de Gedaref, le 5 novembre 2024.

Mohamed Idris, 27 ans, diplômé sans emploi, a fini par se tourner vers un camp d'entraînement militaire à la frontière érythréenne, espérant rejoindre une milice.

"J'ai obtenu mon diplôme universitaire mais il n'y a pas d'opportunités d'emploi. Si j'entre dans un camp d'entraînement, je pourrai au moins défendre mon pays et mon peuple",
confie-t-il à l'AFP depuis Kassala, grande ville de l'est du Soudan proche de la frontière érythréenne.

Depuis avril 2023, le Soudan est ravagé par des combats entre les Forces de soutien rapide (FSR), dirigées par le général Mohamed Hamdane Daglo, et l'armée, sous le commandement du général Abdel Fattah al-Burhane.

Si Kassala et Gedaref ont échappé aux combats directs, elles accueillent des centaines de milliers de déplacés, tandis que de jeunes hommes, armés, circulent dans les rues à bord de véhicules équipés de mitrailleuses.


Ces jeunes, comme Mohamed Idris, sont issus d'une génération marquée par la guerre et attirés par des milices formées selon des lignes ethniques et tribales.
"Les forces que je veux rejoindre sont celles de ma tribu et ma famille"
, explique-t-il.

L’émergence de nouvelles milices


Le Soudan, indépendant depuis 1956, a toujours compté de nombreux groupes armés, certains fonctionnant comme de véritables armées. Pendant des décennies, ces milices ont lutté contre le pouvoir central au nom des minorités ethniques et des régions marginalisées.


En 2020, plusieurs groupes armés ont signé l'accord de paix de Juba, intégrant certains de leurs leaders au gouvernement d'al-Burhane. Cependant, depuis le début de la guerre, ces groupes ont dû choisir un camp.

"De nombreux groupes étaient neutres au début du conflit, mais la plupart ont depuis rejoint l'armée",
explique le chercheur Qusay Hamrour. Certains, cependant, se sont alliés aux FSR.

Une nouveauté, selon Fayçal Mohammed Saleh, analyste politique, est l'émergence de milices dans l'est du Soudan, dont beaucoup s'entraînent en Érythrée.

Des témoins ont rapporté à l'AFP que plusieurs camps d'entraînement pour milices soudanaises existent en Érythrée, bien que le pays n'ait pas commenté ces informations.


Une autonomie problématique


Historiquement, les milices soudanaises, bien qu'elles collaborent parfois avec l'armée, restent majoritairement indépendantes. Selon Amir Babiker, auteur de
"La Paix au Soudan: un bourbier de milices et armées irrégulières",
cette autonomie risque de poser problème.

Khartoum a souvent utilisé des groupes armés pour ses guerres internes, comme les Janjawids, ancêtres des FSR, accusés d'atrocités au Darfour dans les années 2000. Aujourd'hui, l'armée continue de s'appuyer sur ces milices pour contrôler le territoire, renforçant leur pouvoir et rendant leur influence incontournable.

Les deux principaux belligérants, l'armée et les FSR, peinent à contrôler leurs troupes. Selon un rapport de l'International Crisis Group, le général Burhane risque de perdre son emprise sur les différentes factions de son alliance, tandis que les FSR deviennent un conglomérat de milices tribales et de seigneurs de guerre.


En octobre, Abou Aqla Kaykal, un commandant des FSR, a fait défection pour rejoindre l'armée, illustrant les divisions internes croissantes.


"La multiplication des groupes alignés sur les parties belligérantes complique davantage la gestion des coalitions rivales",
conclut le rapport.

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