"J'ai voté pour le peuple": Ahn Cheol-soo, à contre-courant de son parti en Corée du Sud

10:1810/12/2024, Salı
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Le député du Parti du pouvoir du peuple (PPP) Ahn Cheol-soo parle lors d'une interview avec l'AFP dans son bureau de l'Assemblée nationale à Séoul le 9 décembre 2024.
Crédit Photo : ANTHONY WALLACE / AFP
Le député du Parti du pouvoir du peuple (PPP) Ahn Cheol-soo parle lors d'une interview avec l'AFP dans son bureau de l'Assemblée nationale à Séoul le 9 décembre 2024.

Les autres ont quitté l'hémicycle, pas lui : même s'il est membre du parti du président Yoon, le député Ahn Cheol-soo a voté en faveur de sa destitution, convaincu d'avoir suivi la volonté du "peuple".

L'impopulaire Yoon Suk Yeol, 63 ans, est sur la sellette depuis qu'il a brièvement déclaré la loi martiale il y a une semaine, avant d'être obligé de l'abroger à peine six heures plus tard sous la pression du Parlement et de la rue.


Il a échappé de peu samedi soir à une motion de destitution votée à l'Assemblée nationale, sauvé par sa formation, le Parti du pouvoir au peuple (PPP), dont la quasi-totalité des élus ont boycotté le scrutin, invalidé faute de quorum.

M. Ahn est resté assis, seul, dans l'aile de son camp. Il a déposé un bulletin en faveur de la destitution du président, tandis que des dizaines de milliers de personnes massées devant l'institution exigeaient le départ de M. Yoon.


"J'ai toujours pensé que mon rôle en politique était de représenter la volonté du peuple, pas mes intérêts personnels. C'est pour cela que je suis resté pour déposer mon bulletin"
, déclare à la presse M. Ahn, rencontré lundi dans son bureau.

Dans la nuit du 3 au 4 décembre, des députés de l'opposition comme du parti au pouvoir avaient réussi à se réunir en urgence au Parlement et à voter à l'unanimité la levée de la loi martiale, alors que des soldats armés tentaient de les déloger.

Mais quelques jours plus tard, le PPP a serré les rangs, affirmant avoir
"obtenu"
la
"promesse"
de Yoon Suk Yeol qu'il se retirerait et qu'il laisserait la gouvernance à sa formation ainsi qu'au Premier ministre.

L'opposition a alors crié à un
"deuxième coup d'État"
après la proclamation de la loi martiale.

Ahn Cheol-soo raconte qu'il a été hué lors d'une réunion du PPP, lorsqu'il a essayé d'expliquer que M. Yoon devait rendre des comptes.
"L'idée qu'un président responsable du respect de la Constitution de la dixième économie mondiale organise un coup d'État anticonstitutionnel est au-delà de l'imagination"
, déplore-t-il.

Le taux d'approbation de Yoon Suk Yeol a atteint un plus bas de 11 %, selon un sondage de Gallup publié lundi, et de nouveaux rassemblements d'ampleur contre lui sont attendus. Notamment samedi, jour où l'opposition doit retenter de le faire tomber.

Alors qu'il se demandait que décider la première fois, M. Ahn dit avoir été guidé par le
"sens du devoir"
.

"Je n'ai pas voté pour le parti d'opposition. J'ai voté pour le peuple"
, assure-t-il. Seule une autre membre du PPP, revenue plus tard dans l'hémicycle, a voté pour la destitution.

Soutien de dernière minute


Ahn Cheol-soo s'est rallié sur le tard à Yoon Suk Yeol, à seulement six jours de l'élection présidentielle de 2022. Jusque-là, il concourait sous ses propres couleurs.


M. Yoon a remporté le vote avec la plus petite marge de l'histoire en Corée du Sud. Le parti de M. Ahn s'est ensuite fondu dans le PPP. Mais le député entretient des désaccords avec sa formation d'adoption, qui appelle à une
"sortie ordonnée"
du président.

Des experts estiment que le PPP essaie en fait de gagner du temps avant un nouveau scrutin présidentiel qu'il pourrait bien perdre.


M. Ahn trouve que le retrait négocié de M. Yoon est insuffisant.
"J'espérais que Yoon annonce quand et comment il démissionnerait, et qu'il détaille le programme de la formation conjointe d'un corps gouvernemental entre les partis au pouvoir et d'opposition"
, indique-t-il.
"Au lieu de cela, il a tout donné au parti au pouvoir"
.

"J'en ai conclu que je n'avais d'autre choix que de soutenir la destitution"
. Et M. Ahn assure qu'il revotera pour,
"même si cela va à l'encontre de la ligne officielle du parti"
.

S'il avait su...


Ahn Cheol-soo est une personnalité bien connue en Corée du Sud depuis son entrée sur la scène politique en 2012 -date de sa première candidature à la présidentielle-, mais aussi un homme d'affaires à succès.


D'abord étudiant en médecine, il est aujourd'hui à la tête d'AhnLab, la plus grosse entreprise d'antivirus de Corée du Sud, valorisée à près de 635 millions de dollars (600 millions d'euros).

Sa dernière tentative d'accéder à la présidence s'est avérée la plus lourde de conséquences. Nombre d'analystes ont estimé que son soutien à M. Yoon avait joué un rôle capital dans le résultat final.


S'il avait su pour le coup de force de l'actuel dirigeant, M. Ahn ne l'aurait pas rejoint.
"Pas seulement moi, d'autres aussi auraient été incapables de voter pour lui"
.

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