Géorgie: nouvelles protestations face au Premier ministre qui entend "gagner" face aux manifestants

16:337/12/2024, Cumartesi
MAJ: 7/12/2024, Cumartesi
AFP
Des manifestants anti-gouvernementaux font face à la police lors d'une neuvième journée consécutive de manifestations de masse contre le report par le gouvernement des négociations d'adhésion à l'Union européenne jusqu'en 2028, dans le centre de Tbilissi, le 7 décembre 2024.
Crédit Photo : KAREN MINASYAN / AFP
Des manifestants anti-gouvernementaux font face à la police lors d'une neuvième journée consécutive de manifestations de masse contre le report par le gouvernement des négociations d'adhésion à l'Union européenne jusqu'en 2028, dans le centre de Tbilissi, le 7 décembre 2024.

Des milliers de manifestants géorgiens pro-UE se sont rassemblés pour la neuvième journée consécutive contre la décision du Premier ministre de suspendre les négociations d'adhésion à l'UE, avant d'être dispersés vendredi au canon à eau par la police, qui a également fait usage de gaz lacrymogènes.

Des milliers de manifestants pro-européens ont de nouveau défié le Premier ministre qui affirme être en train de
"gagner"
son bras de fer contre les protestataires accusant le pouvoir de freiner les ambitions européennes de ce pays du Caucase.

La police anti-émeute est intervenue devant le bâtiment du parlement, utilisant des canons à eau et procédant à des arrestations alors que la foule se repliait à quelques mètres de la zone. Des gaz lacrymogènes ont également été employés par la suite.


Avec l'arrestation de plusieurs figures de partis d'opposition, le Premier ministre Irakli Kobakhidzé s'est félicité de voir le ministère de l'Intérieur
"neutraliser avec succès les protestataires".

Le commissaire géorgien aux droits humains, Levan Ioseliani, a pour sa part une nouvelle fois estimé que la police n'avait
"pas de base légale pour disperser une manifestation pacifique".

La Géorgie traverse une grave crise politique depuis les législatives du 26 octobre, remportées par le parti au pouvoir du Rêve géorgien, mais dénoncées comme truquées par ses opposants.


La décision du gouvernement d'Irakli Kobakhidzé -accusé de dérive autoritaire prorusse par ses détracteurs- de suspendre jusqu'en 2028 la question des pourparlers pour rejoindre l'UE n'a fait qu'aggraver les tensions.


"Nous n'allons pas céder"


Des milliers de Géorgiens descendent depuis dans la rue chaque soir pour des manifestations, émaillées de violences opposant les protestataires, équipés de feux d'artifice, et les policiers armés de canon à eau et de gaz lacrymogène.


L'opposition accuse le gouvernement de tenter d'enterrer les ambitions d'intégration à l'UE, bien que cet objectif, soutenu par 80% de la population selon des sondages, soit inscrit dans la Constitution.

Elle accuse aussi les autorités de vouloir tourner le pays vers la Russie et d'essayer d'effrayer la population en invoquant un risque de guerre, comme en Ukraine, alors que 20% de la Géorgie est de facto sous le contrôle de Moscou depuis une invasion russe en 2008.


La foule était moins importante vendredi que les nuits précédentes, mais les protestataires insistent que leur mouvement spontané sans réelles figures de proue ni structure est loin de s’essouffler.


"Nous nous battons pour notre liberté"
, a déclaré Nana, étudiante en médecine de 18 ans, enveloppée dans un drapeau géorgien.

Nous n'allons pas céder.

D'autres manifestations ont eu lieu devant le siège de la radio publique géorgienne – accusée de servir d'outil de propagande gouvernementale, le ministère de l'Education et les bureaux de l'administration du tourisme.


Shalva Alaverdashvili, fondateur de la fédération hôtelière du pays, a déclaré que la suspension
"inattendue et inacceptable"
des négociations d'adhésion à l'UE a des conséquences graves pour le secteur du tourisme du pays, qui représente 7% du PIB national.

Des milliers de personnes se sont également rassemblées à Batoumi, deuxième ville du pays, sur la côte de la mer Noire.


Etat de droit "écrasé"


Un tribunal de Tbilissi a placé en détention provisoire vendredi soir un jeune militant de 19 ans, Zviad Tsetskhladze, arrêté lors des manifestations pour
"avoir organisé, dirigé et participé à des violences en groupe".

"La démocratie en Géorgie n'existe plus. L'Etat de droit a été écrasé"
, a-t-il déclaré devant le juge.

Nos actions sont une forme de résistance visant à préserver l'Etat de droit, à défendre la démocratie et à protéger les droits de chaque individu.

Cette nouvelle mobilisation intervient alors que M. Kobakhidzé a affirmé vendredi avoir
"remporté une bataille importante contre le libéralo-fascisme"
en Géorgie, terme qu'il emploie pour qualifier ses opposants.

Le parti au pouvoir
"n'a plus le pouvoir ou les ressources pour faire face au peuple"
, a soutenu vendredi le leader du parti d'opposition Lelo, Mamouka Khazaradzé.

Le 14 décembre, un collège de grands électeurs doit élire le nouveau président du pays, issu du camp du Premier ministre, pour remplacer à partir du 29 décembre la pro-occidentale et très critique du gouvernement Salomé Zourabichvili.


Si le chef de l'Etat a des prérogatives limitées, Mme Zourabichvili, une ancienne diplomate française, s'est cependant imposée comme la voix des manifestants au sein des institutions.

Elle a annoncé qu'elle refusait de quitter ses fonctions tant que le gouvernement n'aurait pas organisé de nouvelles législatives.


300 arrestations


Outcha, un médecin de 42 ans qui manifeste depuis une semaine, ne s'inquiète pas dans ce contexte de la baisse de la mobilisation des derniers jours.


"Bien sûr qu'on est tous un peu fatigués"
, dit-il, préférant ne pas donner son nom de famille par crainte de représailles.

"On a besoin d'un peu de repos et puis on y retournera"
, poursuit-il.

Quelque 300 personnes ont été arrêtées depuis le début du mouvement, selon les chiffres officiels. Le médiateur géorgien pour les droits de l'homme, Levan Iosseliani, a de son côté accusé la police de
"torture".

Le chef du parti d'opposition Akhali, Nika Gvaramia, a notamment été battu lors de son arrestation devant les caméras de télévision.


Vendredi, il a été condamné à 12 jours de prison.


Le dirigeant du groupe d'opposition Géorgie forte, Alexandre Elisachvili, a été placé en détention provisoire pour deux mois.

Les Etats-Unis et l'Union européenne ont dénoncé cette répression, et Washington a menacé d'adopter de nouvelles sanctions.


Les ministres des Affaires étrangères de la France, de l'Allemagne et de la Pologne ont condamné
"fermement"
vendredi soir
"l'usage disproportionné de la force contre les manifestants pacifiques"
en Géorgie et dénoncent
"le ciblage de l'opposition et des représentants des médias".

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